Voix de migrant : Maurice raconte son calvaire pour sensibiliser les jeunes Guinéens

OIM - ONU Migration
3 min readJul 26, 2021

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Depuis son retour en Guinée, Maurice sensibilise les jeunes sur les risques de la migration irrégulière. Photo: OIM

Maurice Sangaré est parti de la Guinée en 2016, alors qu’il n’avait que 14 ans. Son objectif ; atteindre les côtes espagnoles via le désert du Sahara avec comme budget, ses maigres économies qu’il avait obtenues en exerçant un petit commerce dans les rues de Kankan (Haute Guinée), sa ville natale.

« J’ai choisi de partir parce que je n’avais aucun soutien ici. Ma mère est décédée et mon père est à la retraite. Pour vivre, il fallait essayer autre chose », justifie le jeune collégien.

A l’instar d’une frange importante de migrants originaires de cette zone géographique, Maurice entame son périple par le Mali, pays le plus proche de sa localité. Là, il fait face à sa première difficulté. L’adolescent s’aperçoit très vite en effet que ses économies ne suffiront pas pour financer tout son projet.

Déterminé à aller jusqu’au bout, il recourt à la ruse pour extorquer de l’argent à sa famille.

« Le passeur que j’ai rencontré au Mali m’a demandé 300 euros pour le voyage. Pour avoir cette somme, j’ai téléphoné à mes parents pour leur dire que j’étais retenu en otage par un groupe de rebelles du Nord du Mali qui exige ce montant contre ma libération. Et malgré leur situation financière modeste, mes parents se sont endettés pour payer la rançon demandée. C’est de cette façon que j’ai pu financer ce qui constitue la première étape de mon voyage », explique Maurice.

Une fois la première ville algérienne atteinte, le pacte entre Maurice et son passeur prend fin. L’adolescent se retrouve de nouveau livré à lui-même. Pour subvenir à ses besoins et financer la suite de son trajet, il trouve du travail chez une femme pour laquelle le jeune fait le ménage.

Pour autant, les choses ne s’arrangent pas pour Maurice.

« J’ai été maltraité et surexploité par cette femme qui m’obligeait à passer mes nuits à l’espace réservé à son chien. Au bout de deux mois, je décide de réclamer mon salaire comme convenu, mais elle n’a pas accepté de me payer. Je suis donc parti de chez elle et je me suis dirigé vers un foyer occupé par des subsahariens », confie-t-il.

Ne trouvant plus de travail et ne sachant plus à quel saint se vouer, Maurice mendie pendant un mois dans les rues de Bordj en espérant obtenir de quoi subvenir à ses besoins et payer son transport pour Alger (capitale d’Algérie). Il finit par obtenir suffisamment d’argent pour rejoindre le Maroc. Mais il décide finalement de ne pas traverser la frontière Algéro-marocaine. « J’ai appris qu’il y avait beaucoup de blessures et même des décès à cet endroit. J’ai donc pris peur et j’ai décidé de rester dans le but de trouver une autre voie », explique-t-il.

Dans cette attente, afin de joindre les deux bouts, Maurice se met à rechercher des candidats à la migration pour des passeurs qu’il avait rencontré durant son séjour en Algérie. Peu de temps après, le jeune guinéen se fait arrêter par une patrouille de la police algérienne à la recherche de personnes en situation irrégulières vivant dans le pays.

Il est alors transporté à la frontière nigérienne avec d’autres migrants originaires du Sud du Sahara. Au bout d’une longue marche sur le désert, Maurice et ses compagnons de circonstance sont parvenus à entrer au Niger où ils ont été pris en charge par l’OIM avant de bénéficier d’une aide au retour volontaire chez eux.

Aujourd’hui, le jeune Maurice a repris le chemin de l’école et a passé l’examen du brevet avec brio.

Avec l’appui de l’Initiative conjointe UE-OIM pour la protection et la réintégration des migrants, il bénéficie d’un financement pour la mise en place d’un projet de couture géré par sa sœur. C’est grâce à cette activité que celle-ci soutien Maurice pour ses dépenses quotidiennes.

Secrétaire général de l’antenne de l’Organisation Guinéenne pour la Lutte contre la Migration Irrégulière (OGLMI) à Kankan, Maurice est plus que motivé à mettre son talent de sensibilisateur au service du projet MaM pour dit-il, « contribuer à informer les jeunes sur les véritables réalités de la route migratoire ».

Cet article a été écrit par Aboubacar Bokoum de l’OIM Guinée.

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Compte officiel de l'OIM, l'Organisme des Nations Unies chargé des migrations. Des histoires de résilience et de migration en français.