« Un enfant qui part sans la bénédiction de sa mère ne peut pas réussir »

OIM - ONU Migration
5 min readJul 30, 2021

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Nombreux sont les enfants qui, en cherchant des opportunités de travail ou de revenus sur les site d’orpaillage, se retrouvent victimes de traite. Photo:OIM/ALexander Bee

Ouagadougou (Burkina Faso) — En 2020, Abdoulaye, 16 ans, quitte le Burkina Faso sans informer ses parents pour rejoindre les sites d’orpaillage au Mali.

« J’ai croisé un homme à Ouagadougou qui m’a dit qu’on pouvait y gagner sa vie, donc je suis parti à la gare et j’ai pris le car, d’abord pour Bobo puis pour le Mali », dit Abdoulaye. C’est cet homme-là qui a pris en charge les frais de transport de Ouagadougou jusqu’au Mali. Abdoulaye devait travailler pour rembourser les frais de transport au passeur qui s’est volatilisé après l’avoir confié à un « patron » sur le site d’orpaillage, à Kéniéba, au Sud-Ouest du Mali.

Abdoulaye a travaillé pendant une année. Il n’était pas le seul enfant sur le site. « Il y avait au moins une trentaine d’enfants comme moi sur le site d’orpaillage », affirme-t-il.

« C’était très dur, on travaillait à partir de 5h du matin, parfois jusqu’à 20h. On cherchait l’or avec des produits mais on utilisait aucune protection. On mangeait une seule fois par jour et on dormait dans la brousse et nous n’étions pas payés », ajoute-t-il. Quand il a voulu partir du site, le « patron » lui a dit qu’il n’avait pas d’argent à lui donner. Il décide donc de quitter le site.

En voulant rejoindre un autre site pour de meilleures conditions de travail, Abdoulaye se perd en route. « J’ai marché pendant trois pour atteindre un village. C’est là que l’on dirigé vers les services sociaux de la localité », explique-t-il. Ce sont les services sociaux qui l’ont référé à l’Unicef qui l’a ensuite référé à OIM Mali.

« J’ai reçu un appel un jour disant qu’on avait retrouvé mon fils quelque part au Mali, il errait pieds nus. Il avait été pris en charge par l’Unicef puis par l’OIM à Bamako. Après quelques mois dans un centre de transit, il est revenu à la maison », dit Alima, la mère d’Abdoulaye.

Comme Abdoulaye, chaque année de nombreux enfants sont victimes de traite en croyant saisir des opportunités de gagner de l’argent. Photo: OIM

En février 2021, il est aidé au retour volontaire au Burkina Faso à travers l’Initiative conjointe UE-OIM pour la protection et la réintégration des migrants.

A son retour, il s’installe avec sa mère à Ouagadougou. Il décide alors de poursuivre son apprentissage en plomberie qu’il avait débuté avant son départ auprès de son oncle. L’OIM lui fait également don du matériel nécessaire à la poursuite de son activité de plomberie.

Il reste très marqué par ce qu’il a vécu sur le site d’orpaillage.

« Un enfant qui part sans la bénédiction de sa mère ne peut pas réussir, » conclut-il.

Nombreux sont les enfants comme Abdoulaye qui, en cherchant des opportunités de travail ou de revenus, se retrouvent victimes de traite. Sur les sites d’orpaillage, les enfants étrangers sont fortement exposés aux risques d’exploitation par le travail et aux violences sexuelles. Leur vie se trouve parfois menacée.

D’après une étude réalisée en 2020 par ECPAT France sur la traite et l’exploitation sexuelle des enfants sur des sites d’orpaillage au Burkina Faso, 52,4 pour cent des enfants enquêtés étaient, comme Abdoulaye, séparés de leurs parents.

Parmi eux, 43,7 pour cent affirmaient vivre seuls sur le site ou hors du site, 6,2 pour cent avec leur patron et 2,5 pour cent avec des ami(e)s. Cette étude révèle aussi que les filles qui viennent de pays étrangers ou de provinces et régions autres que ceux abritant les sites sont plus exposées aux risques de traite et d’exploitation sexuelle.

Selon les chiffres du gouvernement burkinabè, 2 300 personnes ont été identifiées par les forces de défenses et de sécurité comme des présumées victimes de traite en 2019. Photo: OIM

En 2019, un rapport national sur la traite du gouvernement du Burkina Faso a identifié plus de 2 300 personnes ont été identifiées par les forces de défenses et de sécurité comme des présumées victimes de traite. Parmi elles figuraient plus de 360 personnes de nationalités étrangères (ivoirienne, togolaise, nigériane, béninoise…).

Depuis 2020, le Centre d’accueil et de transit du Ministère en charge de l’action sociale à Bobo Dioulasso, dans la régions des Hauts-Bassins du Burkina Faso, a accueilli 592 enfants burkinabè en situation de mobilité (411 garcons et 181 filles) en direction du Mali, de la Guinée et du Sénégal. Le Centre a également pris en charge 22 filles nigerianes victimes d’exploitation sexuelle[1].

« La traite des personnes touche chaque année des milliers d’adultes et d’enfants migrants, notamment ceux qui sont séparés de leurs parents. Avec le Gouvernement du Burkina Faso, l’OIM œuvre au quotidien pour protéger les victimes afin de lutter contre cette grave atteinte aux droits les plus fondamentaux des migrants », souligne Aissatou Guissé Kaspar, chef de mission de l’OIM.

Un récent article de l’Associated Press avait relevé les différents enjeux internationaux autour du sujet. L’importance de la problématique de la traite des personnes, est aussi liée au développement exponentiel du marché de l’or dans la région, ainsi qu’à la recrudescence des attaques de groupes armés dans la région des Hauts Bassins.

A l’occasion de la Journée Internationale de la lutte contre la traite, le 30 juillet, l’OIM et ses partenaires gouvernementaux organisent plusieurs activités afin de sensibiliser les communautés aux risques associés à la migration irrégulière, y compris la traite de personnes.

Afin d’informer les migrants des services disponibles, un cadre de concertation sera organisé avec les différents acteurs impliqués dans leur protection, ainsi que des séances de sensiblisation pour les communautés environnantes et dans les gares routières. La journée sera également ponctuée d’activités de salubrité, d’activités récréatives, et de cohésion sociale entre les migrants et les communautés riveraines du Centre d’accueil et de transit.

*Les prénoms ont été modifiés.

[1] Source : Ministère de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire

Cet article a été écrit par l’OIM Burkina Faso.

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Compte officiel de l'OIM, l'Organisme des Nations Unies chargé des migrations. Des histoires de résilience et de migration en français.