Son rêve d’Europe brisé, Alya se réalise chez lui à travers la restauration

OIM - ONU Migration
6 min readMay 5, 2021

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Alya réceptionne son kit de restauration le 17 février 2021 à Sévaré (Mopti). Photo : Yorote OUSMANE/OIM 2021

« Je n’avais qu’une idée en tête : aller en Espagne pour y travailler et bien gagner ma vie. Pour réaliser mon rêve, j’étais prêt à tout. Les conseils et les avertissements de mes proches concernant la dangerosité du voyage n’y ont rien changé. J’étais déterminé », explique Alya, 25 ans, jeune migrant malien de retour.

Maintenant propriétaire de son propre restaurant, grâce à l’appui de l’OIM dans le cadre de son programme de réintégration des migrants de retour, Alya est en train de prendre un nouveau départ.

« L’OIM a été mon premier soutien après mon retour. J’arrive à me débrouiller et à réorganiser ma vie. Les membres de ma famille apprécient ce nouveau départ, car ils sentent une certaine sagesse et une responsabilité dans mes nouvelles prises de décisions, par rapport à avant. Je commence à gagner ma vie de manière durable, car je m’organise et je me sens mieux ».

Lorsqu’on lui parle de migration irrégulière, Alya esquisse un sourire et remue la tête en disant : « C’est un suicide et pourtant, les jeunes s’entêtent. J’étais comme eux il y a de cela quelques mois. Aujourd’hui, avec le recul, je me rends compte de la dangerosité de la migration irrégulière ».

Contrairement à la plupart des jeunes de son âge, Alya avait un travail. Il était vigile pour le compte d’une société de gardiennage. Il gagnait 40.000 FCFA (60 euros) par mois. Ces revenus, bien que modestes, lui permettaient d’être autonome. Malgré cette situation relativement acceptable, eu égard au contexte socio-économique de Mopti, Alya avait pourtant la tête ailleurs.

« Partir, rien que partir. C’était devenu une obsession. J’étais prêt à tout. Pour moi, aller en Espagne était la seule chose qui m’intéressait. Je me suis donc renseigné et j’ai décidé de tout abandonner et de prendre la route ».

Contre l’avis de ses parents, Alya quitte Mopti en février 2019. C’est le début d’un long périple. Il se rend d’abord à Tombouctou, puis à Inafara, à la frontière algérienne. En Algérie, il traverse successivement les villes de Borg, Adrar avant de se retrouver à Alger, la capitale. Il décide de se rendre à Billar à la frontière marocaine pour ensuite regagner l’Espagne. Mais il se retrouve bloqué dans le désert et frôle à plusieurs reprises la mort. Les choses ne se passent pas exactement comme il l’avait imaginé. Entré irrégulièrement sur le territoire algérien, il se fait arrêter et est reconduit à la frontière avec le Niger. Sans argent et épuisé par son voyage, son rêve de se rendre en Espagne venait de s’envoler. Alya n’avait qu’une seule chose en tête désormais : retourner sain et sauf dans son pays natal.

Grâce au programme d’aide au retour volontaire et à la réintégration, des migrants arrivent à prendre un nouveau départ à l’image d’Alya Kéïta, propriétaire de son propre restaurant. Photo : Yorote OUSMANE/OIM 2021

« Avant mon départ, j’avais eu des informations que l’OIM aidait les migrants en situation de détresse sur les routes migratoires. J’ai gardé en mémoire cette information. C’est pourquoi lorsque nous avons été expulsés d’Algérie, nous n’avons pas hésité, mes compagnons de voyage et moi, à chercher une représentation de l’OIM à la frontière avec le Niger pour solliciter une assistance ».

Après avoir été pris en charge par les équipes de l’OIM au Niger, il a été hébergé au centre de transit d’Agadez avant l’organisation de son retour. Ce retour a été retardé à cause de la crise sanitaire du COVID-19. Après plusieurs mois d’attente, Alya a ainsi pu bénéficier d’une aide au retour volontaire dans son pays d’origine dans le cadre de l’Initiative Conjointe UE-OIM pour la protection et la réintégration des migrants en Afrique. Financé par les fonds fiduciaires d’urgence de l’Union européenne pour l’Afrique, ce programme mis en œuvre par l’OIM vient en aide aux migrants en détresse sur les routes migratoires en les assistant pour un retour volontaire dans leur pays d’origine et leur réintégration au sein de leur communauté.

« Mes compagnons de voyage et moi avons bénéficié d’une première assistance au Niger, précisément à Assamaka à la frontière avec l’Algérie. C’est à la suite de cela que nous avons été acheminés à Niamey où nous avons pris l’avion pour Bamako. C’est un sentiment de joie qui m’animait lorsque je suis arrivé dans mon pays. J’avais échappé à la mort. Mais j’étais aussi si déçu d’avoir échoué à mon voyage ».

Alya faisait partie des 159 migrants maliens bloqués au Niger depuis des mois à cause de la COVID-19 et qui sont rentrés le 23 juin 2020 à Bamako grâce à un corridor humanitaire organisé par l’OIM, en partenariat avec les gouvernements malien et nigérien et l’appui financier de l’Union européenne.

Dès son arrivée au Mali, Alya a bénéficié d’une assistance financière de 300.000 FCFA (457 euros) dans le cadre du Cash Based Initiative (CBI), permettant de soulager les migrants de retour et leur famille en cette période inédite de crise sanitaire, mais également de faciliter leur réintégration dans leur communauté d’origine.

« Il me fallait trouver une activité à exercer. Je voulais travailler à mon propre compte. Je savais déjà faire la cuisine, et ma sœur est restauratrice. Elle a décidé de m’aider en m’apprenant les rouages du métier afin que je puisse à mon tour ouvrir mon propre restaurant. C’est la raison pour laquelle, lors des entretiens avec les équipes de réintégration de l’OIM, j’ai souhaité bénéficier d’un financement pour la mise en place d’un restaurant ».

« Ma sœur me confiait de petites commandes pour des ateliers d’une dizaine de personnes. Peu à peu, j’ai commencé à avoir ma propre clientèle. J’ai donc trouvé un local, mais je manquais de matériel. »

En décidant d’installer son restaurant à Sévaré avec l’appui de l’OIM, Alya Kéïta s’engage à contribuer au développement de sa localité d’origine grâce à une réintégration réussie. Photo : Yorote OUSMANE/OIM 2021

Après l’étude de son dossier Alya a reçu le financement de tout l’équipement dont il avait besoin pour son installation. D’une valeur de 600.000 FCFA, ce kit de restauration était composé d’un réfrigérateur-congélateur, d’une cuisinière, d’un four à micro-onde, d’un thermos de 2 litres et d’un lot de couteaux, cuillères et de fourchettes.

« Grâce à cet appui, je peux traiter des commandes plus importantes. Ce qui me rend le plus heureux, c’est le regard de mes parents. Je sens qu’ils sont fiers de moi. Ils n’ont jamais voulu que j’aille en aventure et ils sont rassurés de constater que je cherche à m’intégrer et à réaliser quelque chose ici à Sévaré dans la région de Mopti. Bientôt, je pourrai moi-même aussi embaucher des jeunes dans mon restaurant. En attendant, j’essaie de sensibiliser les candidats à la migration irrégulière sur la dangerosité du voyage. J’espère que mon parcours inspirera d’autres jeunes ».

Lancée en décembre 2016, l’Initiative conjointe UE-OIM fournie aux migrants qui décident de rentrer dans leur pays d’origine, une assistance au retour volontaire dans des conditions sûres, dignes et respectueuses des normes internationales et une assistance à la réintégration. De 2017 à ce jour, 16 451 migrants maliens et 3 300 migrants étrangers ont pu rentrer dans leur pays d’origine. En 2020, sur les 3 948 Maliens ayant bénéficié d’une aide au retour volontaire, 3 676 ont au moins reçu une assistance à la réintégration de l’OIM. 420 migrants ont complété une activité de microentreprise, 379 une formation professionnelle, et 725 ont complété leur processus de réintégration à l’image d’Alya.

Cette histoire a été écrite par l’OIM Mali.

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Compte officiel de l'OIM, l'Organisme des Nations Unies chargé des migrations. Des histoires de résilience et de migration en français.

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