Le point de vue d’une migrante : Mariam s’engage à donner une voix aux jeunes femmes à travers l’art

OIM - ONU Migration
5 min readOct 18, 2021

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Alors qu’elle venait de terminer ses études supérieures, Mariam une Sierra Léonaise de 33 ans n’aurait jamais imaginer que « Street Art Together » la toucherait autant.

« Street Art Together » est une activité de sensibilisation participative visant à renforcer l’engagement communautaire et la cohésion sociale par le biais d’ateliers créatifs dans les espaces publics. Elle est élaborée par l’OIM en Afrique de l’Ouest et du Centre, en partenariat avec Street Art Sans Frontières. En tant que volontaire « Migrants comme Messagers » (MaM) en Guinée, Mariam a eu l’idéé de créer rapidement un espace pour les jeunes adultes où ils peuvent se rencontrer, s’unir et s’exprimer à travers « Street Art Together ». Mariam s’est rendu compte de l’importance de ces rassemblements qui stimulent souvent leur potentiel de création, d’interaction et de rupture des perceptions existantes sur la migration, la santé et le rôle des femmes dans leur communauté.

Mariam a rejoint l’équipe MaM de la guinée « Migrants comme Messagers » en tant que volontaire en mai 2020, après son retour d’un parcours migratoire de quatre ans (de 2014 à 2018) au Maroc. Elle n’a jamais pu rejoindre sa sœur en Allemagne, qui l’a motivé et encouragé de son projet de voyage. À cette époque, elle était une mère célibataire qui avait confié ses enfants à sa grand-mère dans l’espoir de pouvoir leur offrir une vie meilleure une fois à l’Europe. Le fait d’être bloquée au Maroc, d’être une mère célibataire africaine lui a permis de comprendre rapidement que non seulement le voyage serait une épreuve, mais également une stigmatisation à cause de sa couleur de peau, du fait qu’elle est de sexe féminin et de ses origine — pendant son voyage.

Mariam essaie de se sentir plus sûre d’elle-même. Le fait de constater qu’elle peut influencer d’autres femmes et que ses expériences peuvent participer à une meilleure compréhension du rôle crucial des femmes dans sa communauté forge son développement personnel. C’est ainsi que Mariam est devenue animatrice de l’initiative « Street Art Together », qui vise à inciter les jeunes femmes à exprimer leur voix à travers l’art.

Mariam Camara (droite) avec une amie devant une mural à Conakry. Crédit photo: OIM Guinée

Une femme célibataire = la migration sûre?

Le « Street Art Together » a permi à Mariam de participer à des discussions longtemps taboues pour la communauté (mais pas pour elle) : notamment des discussions sur la façon dont la migration des femmes peut être un moyen d’améliorer l’accès aux ressources rentables — tels que la terre, l’information, la finance, l’éducation — et aux opportunités économiques.

Sur un mur à Conakry, les passants peuvent lire : « Une femme épanouie = une société rayonnante et une migration sûre et digne » ; ce qui explique qu’une femme épanouie = une société rayonnante et une migration sûre). C’est l’un des résultats immédiats de l’activité « Street Art Together » qui est une activité de sensibilisation participative impliquant des artistes locaux, des jeunes adultes, ainsi que des militants communautaires telle que Mariam. Certaines personnes qui apprécient seulement l’aspect extérieur de « Street Art Together » peuvent le trouver très spécifique. Par contre d’autres, comme Mariam, militante communautaire dans « Street Art Together », considère cette activité comme un marqueur visuel d’un esprit d’aspiration à l’autonomisation féminine.

Des jeunes guinéens devant la murale de Street Art Together à Conakry. Crédit photo: OIM Guinée

La migration n’a aucune direction

Mariam marque un tournant décisif dans sa vie en 2014, lorsque, en tant que mère, elle a été confrontée à des contraignants problèmes économiques et conjugaux. « J’étais mariée contre mon gré à un de mes cousins qui était sans emploi. Et mon entreprise ne marchait pas bien non plus. Nous étions obligés de vivre de dettes pour subvenir aux besoins de nos deux enfants. J’ai décidé donc de partir avec l’espoir de changer définitivement cette situation », explique-t-elle.

Après de nombreuses tentatives sans succès pour rejoindre les côtes européennes par le Maroc et sans argent, Mariam s’est retrouvée dans une impasse. C’est la partie la plus difficile du voyage. « J’ai travaillé pendant un an dans un restaurant subsaharien. Étant dans une situation irrégulière, j’étais évidemment sous-payée. J’ai essayé plusieurs emplois pour survivre. Mais dans un pays où l’on nous arrache nos sacs, où l’on nous vole nos biens, où l’on nous traite de tous les noms, sans aucune riposte, on se rend vite compte qu’il n’y a pas d’avenir pour nous dans ce pays. En fin de compte, il y avait que deux choix : la prostitution ou le retour au pays ».

De l’humanité envers les femmes africaines

Dès qu’elle a réussi à rentrer en Guinée pour rejoindre sa famille, Mariam a constaté l’impact de ses expériences sur son entourage. Le retour était sobre et sans joie. Sa belle-famille ainsi que son frère ne pouvaient pas dissimuler leur déception. Le plus souvent, les proches peuvent saisir l’occasion la plus rare pour exprimer ces sentiments qu’ils essayaient d’expulser du fond de leur cœur depuis un certain temps. C’est aussi un milieu traditionnel où la constance des stéréotypes est actuelle dans la communauté de Mariam : les femmes ont leur place à la maison et nulle part ailleurs. « Ces expériences m’ont fait prendre conscience que les femmes étaient souvent placées dans des positions très dangereuses, tant à la maison qu’à l’extérieur », explique-t-elle. « Je veux créer une image de confiance et de force pour m’encourager à trouver la joie et le bonheur dans mon pays et au sein de ma communauté ».

Mariam Camara en action devant une murale à Conakry. Crédit photo: OIM Guinée

« L’humanité, pour une femme africaine en déplacement ou à la maison, ne devrait pas se faire attendre », dit-elle en riant et en haussant les épaules. Nous avons réservé tellement de notre temps et de nos efforts aux autres, alors je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas les investir pour nous-mêmes. »

Mariam n’est pas pressée de migrer à nouveau — et elle apprécie la liberté de continuer à éprimenter et à évoluer, en s’aventurant sur de nouveaux territoires. Elle collabore désormais avec des plateformes et des collectifs d’artistes locaux, tout en présentant fièrement des photos de son travail à qui de droit. Le fait de pouvoir appécier le rôle des femmes dans sa société et de le représenter a été un avancement. Appelez cela de l’humanité.

Cette histoire a été écrite par Tijs Magagi Hoornaert, consultant en communication pour l’OIM.

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Compte officiel de l'OIM, l'Organisme des Nations Unies chargé des migrations. Des histoires de résilience et de migration en français.