De la Sierra Leone à la Mauritanie : Une survivante de traite raconte son expérience
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Nouakchott (Mauritanie) — Fatou*, 22 ans, gagnait sa vie dans le secteur de la pêche au Sierra Leone, avant de décider de rejoindre l’Europe. Une de ses connaissances lui donne le numéro d’un compatriote vivant en Mauritanie qui devait l’aider dans son voyage. Il lui organise son voyage jusqu’à Nouadhibou — ville connue pour être le point de passage vers les iles Canaries, lui promettant de la faire passer au Maroc si elle lui envoyait environ 1 000 euros, payés en deux versements.
Elle remet un premier montant de 500 euros au trafiquant pour entamer son voyage.
Elle fait le trajet en voiture en compagnie d’un ami du trafiquant sierra-léonais qui devait l’amener à destination. L’homme commence à lui faire des avances non désirées. Lorsqu’ils arrivent à Nouadhibou, ce dernier lui promet de l’épouser et lui propose de partir en Espagne.
Manipulée, elle accepte les avances de cet homme. Elle lui remet ensuite le reliquat du montant du voyage, 500 euros. C’était tout ce qui lui restait comme argent.
Après quelques semaines, il finit par disparaître, la laissant enceinte, seule et sans argent. Après avoir découvert que le père de son enfant était connu pour ce genre de pratiques au sein de la communauté sierra-léonaise de Nouadhibou, Fatou a également pu identifier trois autres de ses compatriotes qui ont été victimes du même scénario.
« J’ai honte de ce qui m’est arrivé et j’ai très peur d’être rejetée par ma famille qui ne sait toujours pas que je suis enceinte, mais j’ai décidé de suivre le conseil de la communauté et de retourner en Sierra Leone », explique Fatou. « Je n’ai pas porté plainte parce que, ne parlant aucune des langues locales, je ne serais pas en mesure d’expliquer correctement la situation à la police, mais surtout parce que je pourrais être expulsée si je le faisais. »
Son retour en Sierra Leone a été facilité par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) dans le cadre de l’Initiative conjointe UE-OIM pour la protection et la réintégration des migrants, financée par l’Union européenne à travers le Fonds fiduciaire d’urgence de l’Union européenne pour l’Afrique (FFUE).
Dans de nombreux cas, les victimes de traite peuvent être identifiées pour des migrants en situation irrégulière et être expulsées sommairement ou placées dans des centres de détention sans avoir été correctement identifiées et sans que les protections auxquelles elles ont droit aient été apportées.
Tel est le cas de plusieurs autres cas de femmes sierra-léonaises vulnérables qui ont sollicité l’assistance de l’OIM après avoir été abandonnées par leur compagnon ou époux dans les semaines ou les mois suivant leur arrivée en Mauritanie.
Afin de mieux protéger ces personnes, l’OIM Mauritanie continue son combat. Après avoir soutenu la réforme des lois sur la traite et le trafic d’êtres humains en 2019–2020, l’Organisation est très engagée auprès des autorités de justice et de police dans la mise en œuvre effective de ces lois et pour fournir une meilleure protection aux survivantes de traite comme Fatou*.
*Le nom a été changé pour préserver l’identité de la personne.
Cet article a été écrit par l’OIM Mauritanie.